Le solaire photovoltaïque, et à plus forte raison, les énergies renouvelables, sont présentées comme le fer de lance de la transition énergétique. Cependant, déployer des modules photovoltaïques nécessite des surfaces importantes et certains s’interrogent, à juste titre, sur les enjeux liés à la massification du solaire photovoltaïque. Nous avions déjà dressé les constats suivants dans nos articles précédents :

  1. Contrairement aux idées reçues, les modules PV monocristallins ne contiennent pas de terres rares et sont principalement constitués de silicium, qui est l’un des principaux constituants de la croute terrestre.
  2. La purification du silicium est un processus énergivore et la « dette carbone » contractée par les modules au cours de leur production est remboursée en quelques années dans la plupart des géographies (également en France où le mix électrique est faiblement carboné).

Aujourd’hui, nous nous posons une question encore plus fondamentale, liée à une grandeur physique de notre quotidien : l’espace !

Alors, avons-nous assez d’espace pour solariser fortement le mix électrique en France ?

1. Le solaire dans le mix électrique mondial

Tout d’abord, il est important de noter que la puissance provenant de l’irradiation solaire et reçue par la terre est 7000 fois supérieure à la consommation en énergie primaire de nos sociétés. La question n’est donc pas de savoir si la planète a les ressources énergétiques nécessaires pour les besoins humains, mais plutôt si l’homme a les capacités pour extraire cette énergie à grande échelle.

Selon l’Agence Internationale de l’Energie (IEA), les énergies renouvelables ne représentaient que 25,6% de la production d’électricité en 2018 (l’électricité ne représentant elle-même que 19,3 % de la consommation d’énergie finale). Cependant, ces technologies sont en forte croissance partout dans le monde. Dans son rapport World Energy Outlook, l’IEA précise que dans tous les scénarios, « la production d’électricité d’origine renouvelable se développe rapidement, avec le solaire au cœur de cette nouvelle constellation de technologies ». Les trois infographies ci-dessous donnent une idée de la place du photovoltaïque dans le monde aujourd’hui :

Le solaire photovoltaïque ne représente donc qu’une faible part du mix électrique aujourd’hui. Pourtant, beaucoup d’espoirs sont mis dans son développement. Alors, le solaire a-t-il les moyens de ses ambitions ?

2. Le solaire et les surfaces nécessaires – Le cas de la France

Dans un premier temps, nous proposons à nos lecteurs de retenir le ratio suivant : 10 000m2 de surface permettent de déployer 1MWc de puissance photovoltaïque. C’est un ratio grossier, conservateur, mais qui a le mérite de la simplicité.

Comparons ce ratio avec les moyens de production nucléaires et éoliens afin de mieux appréhender la problématique en jeu:

  • La puissance d’un réacteur nucléaire est de l’ordre de 1GW. Sur une année, ce même réacteur produira environ 6,6 TWh d’énergie. Si l’on veut couvrir la demande équivalente grâce à une production solaire (et sous réserve de disposer du stockage nécessaire), il faudrait environ 6 GWc de puissance solaire installée. Cela représenterait une surface mobilisée d’environ 6 000 Ha, soit l’équivalent de 8 600 terrains de football.
  • L’haliade-X (de General Electric) est une éolienne en mer de 12 MW (c’est la plus grande du monde). Son mat s’étire sur 260 mètres de haut et ses pales font chacune 107 mètres. Cette éolienne produira environ 67 GWh d’électricité par an. Afin de produire cette énergie avec des modules photovoltaïques, il faudrait déployer une puissance d’environ 61 MWc et mobiliser une surface de 61 Ha, soit 84 terrains de football.

3. Quelle surface nécessaire pour un scénario électrique majoritairement solaire en France ?

Considérons la part du mix électrique d’origine nucléaire et fossile en France, qui est de l’ordre de 370 TWh par an. En considérant un productible moyen de 1100 kWh/kWc, cela correspond à une puissance photovoltaïque installée de 336 GWc et une surface mobilisée d’environ 336 000 Ha. A titre de comparaison, la surface de la France est de 55 millions d’hectares ; la surface mobilisée nécessaire correspond donc à 0,6% du territoire.

L’un des atouts de l’énergie photovoltaïque, c’est sa nature décentralisée et notamment sa capacité à couvrir différents types de surface : des surfaces au sol bien entendu, mais également les toitures non utilisées de nos bâtiments, ou encore les parkings.

Mais alors, que représenteraient les puissances photovoltaïques déployées sur les toitures de nos bâtiments ?

Nous avons identifié deux estimations, qui n’ont retenu que les toitures compatibles avec du solaire photovoltaïque :

  • L’ADEME estime le potentiel destoitures françaises à 364 GWc dans son rapport Mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisations, ADEME, 2016
  • NamR estime de son côté le potentiel des toitures françaises à 526 GWc (article disponible ici)

Autrement dit, les toitures disponibles et compatibles avec une installation PV permettraient à elles seules de fournir les surfaces nécessaires au déploiement massif de centrales PV, afin d’avoir une part solaire photovoltaïque égale à environ 80% du mix électrique français.

4. Hypothèses considérées

De nombreuses hypothèses ont dû être considérées afin de rédiger cet article. Nous listons les principales hypothèses ci-dessous :

  • Pour comparer l’énergie solaire aux autres sources d’énergie (et notamment les énergies non-intermittentes), il est nécessaire de faire l’hypothèse que des solutions de stockage massives, et plus généralement des solutions pour palier son intermittence seront déployées.
  • Dans nos différents articles, nous n’avons pas encore estimer le besoin en matières premières global pour déployer massivement le solaire. En effet, mis à part le silicium, d’autres éléments sont nécessaires (l’argent, le cuivre, …)
  • L’hypothèse d’un productible moyen de 1100kWh/kWc en France métropolitaine a été considéré
  • L’évolution des technologies solaires dans le futur devrait permettre d’installer beaucoup plus de puissance sur une surface moins grande.
  • L’augmentation de la demande en électricité n’a pas été prise en compte dans ces estimations.

5. Conclusion

Chez SunMind, nous sommes persuadés que le solaire photovoltaïque a une part importante à jouer dans la transition énergétique au côté des autres énergies renouvelables, du nucléaire et également de l’optimisation de l’efficacité énergétique. Certes, l’énergie photovoltaïque nécessite des surfaces importantes en comparaison avec d’autres énergies, mais les surfaces anthropisées disponibles lui donnent d’ores et déjà les moyens de s’imposer comme une solution à grande échelle.

AUTEURS :
Paul Péharpré, Chargé d’affaires, développement de projets
Maxime Varin, Fondateur de SunMind